FOCUS | Mesures barrières face au COVID-19 et tourisme expérientiel en Polynésie française : un juste équilibre à trouver

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D'après Yann RIVAL, les protocoles sanitaires ne doivent pas remettre en cause l'expérience recherchée par les touristes : la découverte de la culture polynésienne.

Mesures barrières face au COVID-19 et tourisme expérientiel en Polynésie française : un juste équilibre à trouver

 

 

Yann RIVAL, Maître de Conférences en Sciences de Gestion et du Management, Co-directeur du CETOP (Centre d’Études sur le Tourisme en Océanie-Pacifique), Université de la Polynésie française

 

Publié le 08/06/2020

 

L’épidémie de COVID-19 amène les destinations touristiques à mettre en place des protocoles sanitaires à l’image du Portugal avec son label « clean & safe » ou des Îles Canaries qui expérimentent le passeport de santé numérique. La Polynésie française a ainsi récemment mis en place un guide à destination des acteurs de la filière touristique avec un séquençage du séjour des visiteurs et des procédures et recommandations barrières. Parmi les principales mesures, on retrouve notamment le port du masque, la désinfection des surfaces d’accueil et du mobilier, le lavage régulier des mains sur les sites avec du gel hydro-alcoolique à disposition/savon, la régulation des flux et la gestion des espaces avec notamment le respect des distances minimales. La liste n’est ici pas exhaustive mais permet de prendre la mesure des nouvelles contraintes à vocation sanitaires qui vont devenir la norme dans le secteur du tourisme au lendemain du COVID-19. Au-delà de ces recommandations et protocoles barrières, la Polynésie française va mettre en place des tests pour les touristes avant leur départ et pendant leur séjour.

 

Cette volonté de sécuriser le séjour des touristes en Polynésie française mais aussi de protéger la population face à la propagation du virus ne doit pas pour autant remettre en cause l’expérience que sont venus chercher les touristes : la découverte et la rencontre de la culture polynésienne. Il faut se rappeler ici le repositionnement de la destination opéré il y a plusieurs années qui a porté ses fruits. Aujourd’hui sur la plupart des marchés internationaux, « Tahiti Et Ses Îles » constitue un produit à forte valeur ajoutée culturelle symbolisé à travers le Mana attirant chaque année un plus grand nombre de visiteurs. La crise sanitaire ne doit absolument pas dénaturer le produit « Tahiti et ses îles », synonyme d’expérience unique offerte au touriste : la rencontre d’une culture et de l’esprit polynésien.

Pourquoi venir en Polynésie française et rester cloitré dans un hébergement permettant uniquement de contempler de beaux paysages alors que des destinations comme les Seychelles, l’île Maurice ou les Maldives proposent cela à des prix plus compétitifs ?

 

Il convient donc de ne pas gommer d’un trait pour raison sanitaire l’immersion culturelle qu’offre la Polynésie française à ses visiteurs. Pour ce faire, Il y a un juste équilibre à trouver entre, d’une part l’expérience culturelle polynésienne avec les interactions possibles offertes aux touristes et, d’autres part, le respect des mesures sanitaires. Tout d’abord, la découverte du patrimoine matériel de la Polynésie française et notamment de la richesse de la faune et de la flore est toujours possible. La destination est exempt d’un tourisme de masse et la faible densité de visiteurs permet d’organiser des visites en groupe plus restreint. De même il est toujours possible de découvrir les Marae en petits groupes. Le patrimoine immatériel n’est pas en reste. Ainsi les activités de tressage de pandanus, de confection de couronnes de fleurs, de peinture sur paréos, sont toujours possibles en respectant le port du masque, la désinfections des mains, des objets et supports utilisés. Il est toujours possible de partager les spécialités culinaires polynésiennes et notamment le célèbre poisson cru : non plus en buffet mais à travers des portions individuelles. Il est toujours possible de réaliser des massages traditionnels au monoï, à la pierre chaude avec douche préalable, désinfection des mains mais aussi des outils et supports ainsi que port du masque. Enfin, en ce qui concerne un des marqueurs les plus fort de la culture polynésienne à savoir le Ori Tahiti, il est encore possible de le partager avec les visiteurs. Il convient de créer de nouvelles chorégraphies respectant les distances minimales tout en conservant la splendeur de cette danse traditionnelle. Le juste équilibre à trouver passe donc par la créativité, à l’image des mesures barrières préconisées par la Polynésie française adoptant une touche locale : des solutions hydro-alcooliques locales aux senteurs locales, une signalétique en matière naturelle et aux couleurs locales, des marquages de courtoisie au sol avec des motifs tatouages, fleurs, coco ou tressages niau, des maques en tissu polynésien.

 

A l’heure où les flux de touristes internationaux vont revenir petit à petit en Polynésie française, un des challenges majeurs pour la destination est de faire attention à ne pas devenir une destination certes « covid free », « safe and clean » mais totalement aseptisée. Pour ce faire, il convient d’adapter, voire de réinventer le partage de la culture polynésienne dans ce nouveau contexte sanitaire né du COVID-19.